Début difficile (extrait du livre)

Cela fait une heure que les patients s’enchainent et voilà le moment que j’attendais : un déchoc arrive.

Dans le jargon médical, un déchoc, c’est un patient qui nécessite des soins urgents, réellement urgents car sa vie est en danger immédiatement.

Une douleur thoracique chez une fumeuse, diabétique, bronchopathe... serait-ce la cigarette de trop ? Elle est extrêmement essoufflée, dyspnéique pour les initiés, on constate qu’elle balance. La situation est réellement grave, j’appelle par réflexe mon sénior.


- Qu’as-tu fait ? et le bilan ? l’électrocardiogramme ? m’a-t-elle crié dessus.


Dans ma tête, c’était le vide, la patiente manquait d’air, suait, se tenait la poitrine et il fallait que je réagisse rapidement.


-Je voulais vous prévenir. lui dis-je.
- Écoute, retourne en zone, gère les moins graves, je reviens.


Pour résumé, je venais d’être débordé juste par une admission que je n’avais pas faite.

En plus, mon chef venait de me rembarrer poliment devant infirmiers et externes, il fallait réagir plus vite ; les urgences forgent bien.J’ai alors ravalé ma salive, ou du moins, le peu qu’il me restait, et je retournais gérer les patients plus stables.

Il était quinze heures, j’avais faim, soif, mais ne me doutais pas que mon prochain repas allait être chez moi, le soir.

La journée était intense, cherchant les dossiers dans l’ordinateur avec inexpérience, je connaissais des centaines de choses et me retrouvais face à la réalité des urgences : l’expérience fait l’efficacité.

C’est particulièrement vrai dans ce monde où la maitrise parfaite du logiciel utilisé permet de gagner cinq minutes par patient.

Cela représente la pause du midi ou le temps de faire une ponction lombaire calmement à un patient scoliotique.

Il est dix-huit heures, l’heure de régler les soucis avant les transmissions pour l’équipe de nuit qui arrive dans trente minutes.

Le téléphone sonne pour la trentième fois, je commence à la connaitre par cœur, encore une famille à rassurer.

Un dernier courrier de sortie préparé et voilà la fin de la souffrance venue.

Je regarde mon sénior, sa grande barbe noire intacte, ses lunettes rondes, son regard serein et le remercie pour ce premier jour.

Je me souviendrais toute ma vie de cet homme et de ce premier jour.

En guise de réponse, j’ai les eu le droit à un sourire caché, l’homme serait-il usé par la gestion des nouveaux internes ?

Je me dirige vers les vestiaires, dans l’autre sens, et je croise une collègue qui elle avait choisi la médecine générale. Plutôt mignonne mais j’ai su par la suite qu’elle avait déjà quelqu’un.

-Alors tu penses quoi de ma future vie ? lui ai-je demandé.
-Fiou... j’ai bien besoin de rentrer chez moi là.


En fin de semestre, elle m’a avoué qu’elle a pleuré toute la nuit ainsi que les cinq nuits suivantes. Elle n’avait jamais montré un signe de faiblesse, à aucun moment.

 

 

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