9. LA PLAGE AU CORPS MOURANT...

 

LA PLAGE AU CORPS MOURANT…

 

 

C’était un matin de juillet, sur une petite plage de Bretagne.

L’homme qui promenait son chien sur le front de mer l’avait vu soudainement s’éloigner en direction des rochers, malgré ses efforts pour le rappeler.

Au loin, les aboiements continus de l’animal se mêlaient au bruit régulier du ressac...

Malheureusement de jour là, Il n’y avait pas que les vagues qui avaient choisies de mourir sur les récifs de la côte.

Il n’avait pas 16 ans…

 

Quand nous nous présentions sur les lieux, les sapeurs-pompiers se relayaient déjà depuis près d’un quart d’heure au massage cardiaque.

Entre les genoux du sauveteur qui lui administrait l’oxygène, j’apercevais son visage basculé en arrière, d’où s’était écoulé du sang, spumeux, me laissant supposer une perforation pulmonaire.

Ses yeux, étaient ouverts, terriblement fixes, et présentaient une mydriase* très prononcée qui ne laissait percevoir qu’un halo d’iris d’un bleu céruléen.

La scène n’augurait rien de bon pour l’avenir de ce malheureux.

 

On nous expliquait que le gosse s’était tiré une balle de révolver dans le thorax. Un peu à gauche du cœur qu’il espérait probablement viser.

Depuis combien de temps gisait-il ainsi ? Nul n’en savait rien, mais une importante quantité de sang maculait ses vêtements et le rocher sur lequel il gisait.

Nous apprendrons plus tard que le gamin s’était servi d’une arme de son père, non remisée comme elle aurait dû l’être dans le coffre-fort du domicile.

Une lettre, retrouvée sur lui, expliquait sans équivoque la déception amoureuse qui l’avait conduit à se donner la mort... lettre dans laquelle il demandait pardon pour ce geste à ses parents, ainsi qu’à ses deux sœurs cadettes tant aimées.

 

Je crois qu’à cet instant, tous ceux qui s’affairaient avec énergie sur le corps inerte de l’adolescent savaient qu’il était déjà trop tard, mais ils se déchaînaient avec une détermination remarquable en attendant cette phrase que nous redoutions tous... celle du médecin qui viendrait interrompre la réanimation pour prononcer l’heure du décès.

J’entends encore cette phrase qui stoppa net tout espoir de ramener cet innocent à la vie, aussi infime fut-il…

 

Le jusant découvrait à présent totalement les rochers, tandis que nous, nous recouvrions d’un draps la petite victime.

Nous étions tous silencieux, dépités et impuissants face à cette effroyable fatalité.

 

Mais bientôt une doléance émanant de l’adjoint au maire, appelé sur les lieux, allait nous écœurer davantage encore : cet abject personnage souhaitait « qu’on se hâta d’enlever le corps et qu’on arrosa rapidement les rochers à la lance à incendie pour nettoyer avant l’arrivée des premiers estivants... »

Et d’ajouter le plus naturellement du monde : « qu’on ne pouvait se permettre de foirer la saison à cause de ce genre de conneries ! »

 

Ainsi, quelques heures plus tard, des dizaines de gamins viendraient jouer sans le savoir à l’endroit même où un autre s’était donné la mort au petit matin... pour ne pas perturber la saison touristique !

Je crois que si je n’étais pas parti sans avoir eu le temps de manger ce matin là, j’aurais probablement vomi sur les pompes de cette ordure.

 


(*) Mydriase : dilatation anormale des pupilles (par opposition à myosis).

#richardleformateur

www.le-secourisme-en-video.org

 

 

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